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Par OriOdaMiori le 27 Août 2019 à 23:13
Quand vous avez passé toute votre enfance dans la crainte de coups d’une violence inouïe, vous apprenez vite à rester vigilant à n’importe quel moment. J’ai passé les treize premières années de ma vie dans un cocon familial plein d’amour, de paix et de sérénité...
Je viens de sortir le plus gros mensonge de mon existence. Du jour où je suis né au jour où j’ai pris la fuite, je n’ai connu que les poings de mon père et sa hargne.
Il voulait faire de moi un être immoral et sa loi, un pantin a son service. Ma mère m’offrait un peu d’amour et la chaleur d’une étreinte seulement quand mon père avait le dos tourné. Ma mère se nommait Ivanna Lazarev. C’était une beauté sauvage, fragile et très sensuelle. Mon père l’avait acheté comme si c’était une marchandise pour en faire sa chose.
D’après ses dires, elle était le genre idéal pour être monté par lui ou ses amis. Il affirmait à tout va qu’elle adorait et qu’elle en redemandait. Moi, la seule chose, que je voyais, c’était son regard éteint, son sourire extrêmement triste et son corps s’amaigrir de jour en jour !
Pourtant, je ne disais rien. Je devais observer tout dans le moindre détail ce que ces hommes ou mon père lui faisaient subir. Je n’avais pas le droit de pleurer, de supplier. Je devais faire comme si je n’étais pas là. Mais, je n’avais pas l’autorisation de détourner les yeux. Parfois, c’était ma mère, parfois c’était une autre victime.
Mon cœur d’enfant ne le supportait pas. J’avais juste envie de hurler de rage, de douleur, de supplier d’arrêter de la faire souffrir, de les faire souffrir. Mais, si j’avais le malheur de bouger, de parler, je recevais une correction tellement violente que j’en perdais souvent conscience et si c’était ma mère la victime, elle se mettait devant moi pour me protéger.
Et c’était un véritable crève-cœur. Elle se faisait déjà battre normalement, mais là elle recevait la correction qui m’était due. Pourquoi ? Je ne méritais pas son dévouement à mon égard. J’étais un fils indigne, un fils incapable d’aider sa mère. Alors oui, j’étais jeune, mais n’aurais-je pas pu l’aider d’une manière ou d’une autre ?
Pourtant, je n’ai rien fait. Mon père me dominait trop. Il avait réussi à dompter mon jeune esprit. Je n’avais pas la force de me rebeller. Je tentais parfois. Comme la fois, où il m’avait amené ce chien des rues. Il m’avait donné une arme à feu. Il m’avait ordonné de tirer sur l’animal.
Le chien me regardait avec des yeux plein de confiance. Était-il idiot ? Ne voyait-il pas ce que mon père voulait que je lui fasse ? Ma main tremblait pendant que je le visais. Des larmes avaient coulé le long de mes joues. Mon père m’avait hurlé d’arrêter, mais je ne pouvais pas m’en empêcher. Finalement, je n’ai pas pu.
Alors de rage, mon père me battit d’une force. Chaque coup reçu était comme une punition divine. Ensuite, il m’avait forcé à le regarder torturer l’animal jusqu’à sa mort violente. Mon père m’avait alors craché. « Tu vois si tu l’avais tué quand je te l’avais ordonné, cet animal n’aurait pas souffert. C’est de ta faute, entièrement de ta faute, Khasan. »
Et il avait entièrement raison. Pourquoi avais-je hésité ? Je savais très bien ce qui allait se produire. J’aurais dû appuyer sur la gâchette. Mais, je ne l’avais pas fait et je m’en voudrais peut-être éternellement. Certes, certains diront : « ce n’est pas qu’un animal ne te met pas dans tous ces états pour un clébard. »
Mais, cet animal, il n’avait rien demandé. Il voulait juste vivre et avoir un peu d’amour. Mais, parce qu’il avait croisé la route de Gavrie Jablokov, cette pauvre créature n’est plus. Il n’aura jamais pu connaitre une once de gentillesse. Il est mort dans la plus grande indifférence.
Non, ce n’est pas tout à fait vrai. Quelqu’un l’a vraiment pleuré. Ma mère. Mon père, après son dernier coup de pied sur le corps sans vie de ce pauvre chien, m’avait ordonné de nettoyer, avant de partir tout fier de lui.
J’avais à peine sept ans. Comment devais-je m’y prendre pour nettoyer ? Je ne savais pas et si je ne le faisais pas, je savais bien que je recevrais une autre punition. Mais, ma mère était arrivée. Elle s’était baissée à mes côtés pour caresser mon visage. Elle avait un linge humide pour nettoyer mes plaies.
Je l’avais observé. Son magnifique visage, très pâle se trouvait déjà émacié alors qu’elle avait à peine vingt-trois ans à peine. Ses yeux bleus comme les miens reflétaient une tristesse infinie. Je ne l’avais jamais vu rire. Mais, elle tentait toujours de me sourire. Elle disait toujours qu’elle m’aimait. Pourquoi ? Je ne méritais pas son amour.
Elle me parlait toujours avec douceur. Elle avait une très jolie voix, mélodieuse. Un contraste avec son regard triste et presque sans vie. C’était étrange, mais quand son regard se posait sur moi, je pouvais y lire son affection, sa sincérité. Je ne savais pas quoi faire pour lui montrer le mien. Alors, quand mon père n’était pas là, il m’arrivait de la prendre dans mes bras. Je cachais mon visage dans son cou et je prenais toute la chaleur offerte.
Ce jour-là, elle me prit dans ses bras. Elle avait passé ses doigts fins dans ma chevelure brune. C’était si agréable. Les larmes avaient coulé à nouveau et cela m’effraya. J’ai voulu m’échapper. Mais, elle m’avait retenu. Elle m’avait parlé de sa voix douce : « Profite du fait qu’il ne soit pas là. Il n’en saura rien, cela restera entre nous. Ne laisse pas ce monstre faire de toi ce qu’il veut. Tu es un si bon garçon. J’aimerais être plus forte pour te protéger plus. »
Son regard s’était à nouveau attristé. Puis, elle s’était redressée. Elle s’était approchée de la pauvre créature. Elle s’était à nouveau agenouillée. D’une main tremblante, elle l’avait passé sur le poil poisseux de sang. Elle avait caressé l’animal pendant un long moment. Elle chantait une berceuse.
Pourquoi ? Pourquoi chantait-elle pour ce corps sans vie, pourquoi pleurait-elle pour lui ? Cela m’intriguait. Alors, je m’étais approché. Son regard humide, elle m’avait adressé un léger sourire. D’une toute petite voix, je lui avais demandé : « Pourquoi ? »
« Parce que ce petit être le mérite. » Et j’avais demandé à nouveau : « Et si ce corps, c’était moi. » J’avais dû choquer ma mère avec mes mots. Mais, je redemandais : « Si un jour, je saute d’un précipice, que feras-tu maman ? » « Je te suivrais, mon ange. Sans l’ombre d’une hésitation. » M’avait-elle répondu, aussitôt ? Sa sincérité ne faisait aucun doute. J’avais posé ma main sur sa joue. Elle en avait été émue. « Moi aussi, je te suivrais alors. »
Mais là, ma mère n’était pas d’accord. Elle m’avait pris mon visage entre ses deux mains et elle m’avait forcé à l’écouter. « Non, tu ne dois pas. Jamais. Pas tout de suite. Seulement quand tu seras vieux et que tu auras bien vécu, mais pas avant. » « Pourquoi ne puis-je pas te rejoindre avant ? »
Elle m’avait souri avec telle tendresse. « Car je suis ta mère. Et une mère partira bien avant son cher fils pour lui laisser la liberté dont il a besoin pour grandir et s’épanouir. La vie sera difficile. Il y aura beaucoup d’embûche, de contrainte, de violence. Mais, tu es un garçon fort. Tu y parviendras et je serais fière de mon fils. »
Je ne comprenais pas tout ce qu’elle disait. Je retenais juste que je n’avais pas le droit de tomber avec elle. Et j’en étais profondément triste. Je lui en voulais un peu, mais jamais, je ne pourrais la haïr comme mon père aimerait que ce soit le cas.
Ensuite, elle m’avait demandé de l’aide pour enterrer l’animal. Même si la scène en elle-même était d’une tristesse à fendre le cœur, j’avais apprécié ce petit après-midi avec ma mère. La pauvre créature, victime de mon père, avait été enterrée sous un chêne. Ma mère avait même prié pour son âme en espérant qu’il puisse avoir une vie meilleure là où il se trouvait.
Ce soir-là, mon père était revenu accompagné de ses meilleurs amis. J’avais eu le droit à me coucher. Mais, je ne pus fermer l’œil de la nuit, car j’entendais les hurlements de ma mère. Mon cœur se brisait, petit à petit. Peut-être, serait-il mieux de ne plus rien ressentir ?
Puisque ma mère voulait que je survive, alors je survivrais. Je ferais mon possible pour ne plus lui nuire. Je tairais mon cœur, je sècherais mes larmes. Je subirais sans brocher et un jour, un jour….
Peut-être, serais-je assez fort pour avoir ma rédemption ?
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