• Rédemption : 4

     

    Depuis des années, le premier habitant du manoir à se lever se trouvait être toujours la même personne. Renko Miori ne fit donc pas exception cette fois encore. Il se levait, s’habillait dans le plus grand silence afin de ne pas réveiller sa marmotte de compagnon. Il savait bien que si par malheur, il le réveillait, il ne pourrait sortir de cette chambre avant un long moment. Les autres membres de la famille n’auraient donc pas de petits déjeuners.

     

    Ce n’était pas de la paresse de la part des autres membres, mais la cuisine était le domaine de Renko. Il la lâchait seulement si Sawako Sanada se trouvait dans les parages. Ce n’était pas tous les jours d’avoir un chef cuisinier à domicile. 

     

    Mais depuis peu, enfin depuis que deux petits démons pouvaient marcher sans aide, il ne pouvait plus dire qu’il était le premier debout. Michio et Naël avaient le sommeil léger. Et comme ils étaient réveillés, tout le monde devait le savoir évidemment. Les deux petits chenapans sortaient de leur chambre avec fracas. Ils couraient en hurlant presque dans le couloir jusqu’à la chambre de leurs pères.

     

    Au début, Renko les récupérait avant pour leur donner à manger et ensuite, il les laissait faire ce qu’ils voulaient. Mais Carlin lui avait ordonné de les laisser faire. C’était à Luce et Erwan de leur apprendre. Les grands-parents servaient à pourrir et gâter leurs petits-enfants.

     

    Donc ce jour comme les autres jours, Renko vit ses petits enfants en pleine forme courir tout en chahutant vers la chambre de leurs pères. Il secoua la tête et avec un sourire amusé, il descendit pour se rendre à la cuisine pour préparer de la bonne nourriture et surtout du café. 

     

    Michio et Naël entrèrent dans la chambre sans frapper et avec énergie. Erwan se redressa légèrement pour voir arriver les deux terreurs. Luce commençait à émerger. Il grogna en les entendant. Il avait encore sommeil. Ces deux démons demandaient beaucoup trop d’énergie. Si Naël s’approchait plus calmement, Michio lui n’en avait cure. Il grimpa sur le lit pour tomber littéralement sur son père Luce en riant. 

     

    Erwan attrapa Naël pour l’installer entre eux également. Luce parvint à décoller son énergumène de fils et l’installa auprès de son frère. Mais celui-ci n’avait pas envie de rester coucher. Il se redressa. Erwan leva les yeux au ciel. Ce garçon était vraiment une tête de mule. 

     

    — Pas dodo ! Debout ! cria Michio en secouant la tête.

     

    — Il est beaucoup trop tôt. Papa voudrait encore dormir un peu.

     

           — Non, pas dodo. Debout ! reprit à nouveau Michio.

     

           Naël s’était lui aussi redressé, mais il réclamait plus un câlin de son autre père. Erwan s’installa plus confortablement et il le prit contre lui. Naël posa sa tête contre l’épaule de son père tout content. Avec un peu de lassitude, Luce se redressa un peu en appuyant sa tête sur une main, le coude sur le matelas. 

     

           — D’accord pas dodo. Mais j’ai le droit à avoir un câlin moi aussi. 

     

           — Non ! Papa pas gentil, pas lever, répliqua Michio. 

     

           — Petit monstre. Tu vas voir si je ne vais pas avoir de câlin.

     

           À peine Luce venait-il de finir sa phrase qu’il se jeta sur le petit garçon. Michio se mit à rire, car son père s’amusait à le chatouiller en même temps. Au bout d’un moment, Renko vit les deux hommes entrer dans la cuisine avec les deux petits fripons dans leur bras. 

     

           Michio aperçut ses deux grands-pères. Il se tortilla pour descendre des bras de Luce. Il fonça ensuite vers eux en courant. Il stoppa devant eux. 

     

           — Papy Carlin pourquoi t’es sur les genoux de papy Renko ?

     

           Carlin sourit amusé. Il se pencha et il caressa la tête de Michio. 

     

           — Les genoux de Ren sont plus confortables qu’une chaise. 

     

           Le petit garçon pencha la tête, un doigt sur sa bouche comme s’il réfléchissait à la réponse de son grand-père. Il se mit à rire.

     

           — Comme les bras de papa ? Où on est bien et au chaud ?

     

           — Voilà, tu as tout à fait raison. 

     

           Michio sauta tout content. Puis, énergiquement, il s’écria :

     

           — J’ai faim.

     

           Erwan attrapa son fils pour l’installer à table près de son frère.

     

           — Naël ne mange pas tout. 

     

           Il piqua une crêpe dans l’assiette à son frère.

     

           — Michio ! Tu ne peux pas attendre que l’on te serve au lieu de piquer la nourriture de ton frère. 

     

           Michio lança un regard en coin à son père.

     

           — Moi grande faim, papa tortue.

     

           Luce soupira tout en se laissant glisser sur une chaise. Il allait devenir chèvre avec ce gosse. Il jeta un coup d’œil à son père. Celui-ci avait le regard brillant, trop brillant. Il se moquait de lui. Il se retenait à grande peine de rire. Pas un pour rattraper l’autre. 

     

           — Allez-y ! Moquez-vous de moi ! Je commence à y être habitué.

     

           — Mais que veux-tu mon ange ? Tu te laisses mener par le bout du nez par les asticots. C’est trop drôle. 

     

           — Papy Carlin, je ne suis pas un asticot, répliqua Naël la bouche pleine.

           

           Il mangeait plus rapidement afin que son frère arrête de lui piquer sa nourriture. 

     

           — Ah oui, et qu’est-ce que tu es, alors ? 

     

           — Je suis un amour de petit ange.

     

           La réponse fut tellement rapide et dite sérieusement que les adultes ne purent s’empêcher de rire. Juste pour voir la réponse de son fils, Erwan demanda :

     

           — Et toi Michio ? Es-tu un asticot ?

     

           Michio prit le temps de finir de manger avant de répondre. Il n’en avait pas laissé une seule miette. Il sourit à son père et répliqua :

     

           — Je suis un diable de petit ange.

     

           — Ca, c’est bien vrai surtout le mot diable te convient bien, rétorqua Luce en lui ébouriffant les cheveux.

     

           Après le petit déjeuner, les deux garçons s’échappèrent. Luce soupira. Il allait devoir leur courir après pour pouvoir leur faire prendre le bain. Erwan avait un peu pitié de son homme, mais il ne pourrait pas l’aider cette fois-ci. Il devait se rendre à son travail. Il avait beau être le patron, ce n’était pas une raison pour ne rien faire. 

     

           Il embrassa sa moitié avait de s’échapper au travail. La société se portait toujours comme un charme, mais depuis quelque temps, des incidents se produisaient. Un virus avait été détecté dans les ordinateurs centraux. Il avait été purgé assez rapidement. Une petite entreprise informatique avait pris feu. Il avait pu être éteint assez rapidement ce qui avait limité les dégâts. Et il y en avait d’autres encore.

     

           Pour Erwan, ce n’était pas une coïncidence. Quelqu’un s’en prenait à la Miori Corporation. Mais qui ? Et pourquoi ? Telle était la question. Cette société lui avait été léguée par son grand-père August Miori. Celui-ci l’avait eu lui-même par son propre père. Il l’avait ensuite agrandi et il l’avait mené aussi loin qu’il avait pu. Il fut très heureux quand Erwan avait accepté de reprendre le flambeau.

     

           Erwan ne voulait pas décevoir son grand-père. Personne ne toucherait à sa société sans en subir les conséquences. Tous les employés méritaient que l’on protège leur travail. Et même s’il demandait beaucoup d’eux, il avait fait en sorte qu’ils soient satisfaits de travailler pour lui. Il allait avoir beaucoup de travail avec son père Youji et quelques autres pour retrouver parmi eux, leurs ennemis potentiels, comme un employé renvoyé et mécontent, celui qui leur causait des ennuis. 

     

           Luce parvint à récupérer ses deux loustics. Il les portait chacun un sous le bras. Les deux petits monstres riaient en gesticulant. Luce se demanda bien comment il parvint jusqu’à la salle de bain sans en faire tomber un. Et comme à l’accoutumée, le bain se passa de la même manière. Il fut arrosé de la tête aux pieds.

     

           Il les relâcha ensuite. Ils se sauvèrent comme deux furies. Infatigable ces deux-là. Après s’être changée, Luce se dirigea vers l’étage où se trouvait la grande bibliothèque. La porte se trouvait entre-ouverte. Il fronça les sourcils. 

     

           En y entrant, il aperçut Naël allongé sur un canapé. Il regardait un énorme livre d’images. Renko, installé sur un fauteuil, adressa un sourire à son fils. Celui-ci fut rassuré. Il n’aimait pas savoir les petits seuls dans la bibliothèque. Luce se dirigea vers le bureau sur la droite. Il s’installait de temps en temps là pour écrire. Il ouvrit le tiroir pour prendre son cahier bleu. Le cahier où il écrivait toujours ses histoires avant de les retaper sur ordinateur ensuite.

     

           Un nouveau froncement de sourcil, il se mit à chercher dans les autres tiroirs. Renko le vit chercher. 

     

           — Que cherches -tu, Luce ? 

     

           — Mon cahier. Il n’est plus à sa place.

     

           Luce soupira. Il se tourna vers son père. 

     

           — Papa ? Qui est le coupable ?

     

           — Michio, répondit Naël à la place de Renko.

     

           Celui-ci, d’ailleurs, se redressa derrière le canapé où se trouvait son frère. Il tenait bien un livre dans ses mains, mais ce n’était pas le cahier bleu. Luce s’approcha et il s’agenouilla devant son fils. Michio le regardait avec un petit sourire. 

     

           — Michio, où as-tu mis le cahier ? 

     

           Le petit démon haussa les épaules. 

     

           — Je ne sais pas. Il était là et il n’est plus là.

     

           Luce secoua la tête exaspérée. 

     

           — Michio, je te le redemande une dernière fois. Où est le cahier bleu ? 

     

           — Au parc. Il avait envie de voir de la compagnie. 

     

           Luce ne savait pas s’il devait rire ou pas. Renko lui ne se gêna pas. C’était plutôt amusant de voir son fils galérer. C’était peut-être une petite vengeance de toutes les misères que Luce avait fait à leur père plus jeune. Luce n’avait pas souvenir d’avoir été pareil même si tout le monde l’affirmait haut et fort. 

     

           — Michio ! Le cahier ?

     

           Est-ce qu’il sentait que son père commençait à s’irriter en tout cas, le petit changea de caractère. Il tapa du pied et s’écria :

     

           — Non, pas envie.

     

           — Bon puisque c’est ainsi, tu vois le coin.

     

           Luce lui montra un coin dans la partie gauche de la bibliothèque.

     

           — Tu y vas et tu n’as pas le droit de te retourner jusqu’à nouvel ordre à part si tu changes d’avis et que tu me dises où tu as mis le cahier. 

     

           Michio regarda un instant son père avant de faire ce que celui-ci venait de lui dire. Il s’y rendit en traînant du pied et Luce pouvait l’entendre râler. Michio s’arrêta juste devant le coin et y resta sans plus broncher. 

     

           Luce secoua la tête. Il se redressa et il posa la question à Naël s’il savait où se trouvait le cahier. 

     

           — Oui je sais. Mais pas dire.

     

           Réponse catégorique. Et quand son père lui fit la réflexion qu’il pourrait aussi aller au coin, Naël le prit au mot. Il se redressa en embarquant le gros livre et il rejoignit un autre coin de mur. 

     

           — Il n’y en a pas un pour rattraper l’autre. Ce sont deux démons. Et je suppose que tu ne me le diras pas non plus.

     

           Renko émit un petit rire. 

     

           — Tu veux que j’aille au coin aussi. 

     

           — Très drôle, papa.

     

           Pendant plus d’une heure, Luce se mit à chercher après son cahier sans le trouver évidemment. De lassitude, il finit par s’arrêter et il se tourna vers le coupable. Il eut une exclamation. 

     

           — Michio ? Qu’est-ce que tu as fait ? 

     

           Carlin pénétrait dans la bibliothèque quand il entendit l’exclamation de son fils. Il les rejoignit. Il aperçut alors les dessins enfantins sur le mur blanc. Il eut un sourire un peu troublé. Michio avait hérité de son talent en dessin. Même si ceux-ci n’étaient pas encore parfaits et tremblotants avec le temps, les dessins deviendraient de plus en plus beaux. 

     

           — Bah quoi, papa ? Tu m’as dit de rester au coin, mais m’ennuie moi. 

     

           — Ce n’était pas une raison pour peinturlurer le mur.

     

           Michio baissa la tête près à pleurer. Luce s’en voulut. Il n’avait pas voulu durcir le ton, c’était venu tout seul. Il soupira à nouveau. Il prit son fils contre lui. Michio posa sa tête contre l’épaule de son père.

     

           — Comment je vais nettoyer ça maintenant ?

     

           — Bah ! Tu n’as qu’à laisser comme c’est. 

     

           — Mais enfin papa ! 

     

           Carlin haussa les épaules. Ce n’était que des murs. Il n’y avait pas mort d’homme. Le grand-père attrapa son petit-fils dans les bras. Celui-ci le regarda étonner. Carlin lui embrassa le front. Puis, il dit :

     

           — Si tu dis à ton père où se trouve son cahier, on va aller s’amuser à peindre tous les trois.

     

           Naël les avait rejoints. Il se cachait derrière la jambe de Carlin. Il sourit. Il était content d’être dans le lot. Michio hésita un instant. Il aimait bien faire râler son père, mais jouer avec papy Carlin, c’était tout aussi amusant. 

     

            — Je l’ai donné à Reine pour qu’elle le cache.

     

           Carlin eut un léger rire. 

     

           — Et maintenant, je fais comment pour savoir où cette friponne de chatte l’a mis ?

     

           Carlin déposa Michio. Il prit à chacun une main et il quitta la pièce en riant avec eux. Renko secoua la tête. Il eut pitié de son fils. 

     

           — Il doit être dans leur chambre. Elle se dirigeait dans cette direction.

     

           Luce remercia son père. Il quitta la pièce pour se rendre dans la chambre des deux loustics. C’était toujours la même chambre. Celle qui lui avait appartenu enfant. La seule différence, c’était que le petit lit avait été changé en deux lits pour enfant, mais un seul était utilisé. 

     

           Michio et Naël dormaient toujours ensemble. Ils avaient bien tenté en couchant l’un et l’autre dans un lit séparé, mais dès qu’ils avaient le dos tourné, l’un d’eux se levait pour rejoindre l’autre. En guerre lasse, ils avaient fini par les laisser faire. 

     

           Luce se demandait comment se déroulerait la rentrée scolaire pour ces petits monstres. Ils avaient encore quelques mois de liberté, mais dès le mois de septembre, ils intégreraient la maternelle afin qu’ils puissent connaitre d’autres enfants de leur âge.

     

           Certes, ils côtoyaient Dan Marcello. Naël adorait jouer avec lui rendant parfois Michio jaloux. Celui-ci avait un peu de mal à prêter son frère. Mais, Michio n’était pas pour autant agressif envers Dan. Il l’aimait bien aussi, mais seulement s’il était intégré au groupe sinon il boudait et il faisait une crise.

     

           Erwan était celui qui le calmait aussitôt. Le jeune homme le prenait dans ses bras et il discutait ensemble pendant un long moment. Mili en était verte de jalousie. Son fils l’énervait à toujours être charmeur envers son ange et ses deux démons. Pourquoi n’avait-elle pas le droit d’avoir aussi des câlins de son fils ? Réponse de Michio, son papa Erwan était à Naël et à lui. Il acceptait de le prêter à papa Luce, mais c’était tout.

     

           Luce récupéra enfin son cahier. Il se trouvait bel et bien dans la chambre des petits. Reine dormait dessus. Elle n’avait pas vraiment apprécié d’être interrompue dans son sommeil. Elle lui avait donné un coup de patte sur la main. Tout content d’avoir enfin son cahier, Luce retourna dans la bibliothèque pour écrire pendant que les petits démons étaient occupés. 

     

           Renko avait quitté les lieux. À la place se trouvait Maqui, le compagnon muet de son cousin Rand Osborne, le fils de sa sœur Maeva. Le jeune homme lui sourit et avec ses gestes lui fit comprendre de ne pas faire attention à lui. Luce s’installa au bureau et il plongea dans l’écriture comme à son habitude. Il en oublia le reste du monde, plongeant dans l’histoire d’un monde imaginaire aux delà des étoiles.

     

           Combien de temps écrivait-il ? Il ne s’en souvenait pas, mais il sentait une présence près de lui. Il sursauta. Il regarda autour de lui, mais il ne vit personne. Alors il baissa les yeux et il y aperçut Michio assis sur le sol regardant les images d’un livre.

     

           Il finit par lever les yeux vers son père. Il lui sourit. Il avait déjà oublié sa punition. 

     

           — Que fais-tu là petit chenapan ? 

     

           — Papa, lire une histoire ?

     

           Luce jeta un coup d’œil à son cahier. Il soupira. Il le rangea dans le tiroir en prenant soin de le fermer. Puis, il se leva et il souleva son fils pour se rendre sur le canapé. Michio resta sur ses genoux pour voir les images. 

     

           — Où est ton frère ?

     

           — Papy Renko apprend les échecs avec tonton Rand.

     

           — Et ça ne t’intéresse pas les échecs ? 

     

           Michio secoua la tête. 

     

           — Non, je préfère histoire avec papa.

     

           Luce déposa un petit baiser sur la tête de son fils. Ils les aimaient ces gosses qui étaient entrés dans leur vie sans prévenir. Il n’aurait pas cru pouvoir les aimer autant. Il n’avait jamais aimé partager ses parents et surtout Erwan. Il n’aimait toujours pas d’ailleurs sauf pour ces deux petites exceptions. Il jeta un coup d’œil à l’horloge. Dix-neuf heures venaient de sonner. Étrange, Erwan n’était toujours pas rentré. Un autre problème avait dû arriver. Soupirant, Luce ouvrit le livre et il commença à lire :

     

           — Il était une fois…


  • Commentaires

    1
    Lundi 22 Février 2021 à 12:17

    Ces 2 petits sont de véritables girouettes, mais ils sont bien attachants. J'ai bien aimé ce chapitre et je lirai la suite avec plaisir.^^

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