• Rédemption

    Rédemption

    Prologue

     

           La nuit venant de tomber, un silence inhabituel régna sur le quartier marchand de cette ville aux aires triste et lugubre. La guerre régnait en maître dans le pays. Les habitants vivaient continuellement avec la peur aux ventres. 

     

           Mais malgré les combats continus et violents, ce quartier était toujours animé, surtout à la nuit tombée. C’était le moment où plus rien n’existait et où les prostitués travaillaient également. Mais ce soir-là, le silence régna en maître. 

     

    Les habitants se trouvaient calfeutrer chez eux, serrant dans leur bras leurs enfants. Les maris tremblaient de peur, mais certains tenaient fermement leurs armes rudimentaires afin de protéger comme ils le pouvaient les êtres qu’ils aimaient. 

     

    Que se passait-il ? La guerre avait-elle atteint cette petite ville ? Pourquoi des hommes armés jusqu’aux dents, camouflés dans leurs uniformes se déplaçaient-ils le plus silencieusement possible ? Ils se dirigeaient précisément vers un immeuble ayant vu de meilleurs jours. 

     

    Les habitants connaissaient ce bâtiment. C’était un petit hôtel que la plupart des prostitués utilisés. Mais ce soir-là, toutes les lumières de l’hôtel étaient éteintes comme si personne ne s’y trouvait. Le propriétaire s’était réfugié chez le voisin le plus proche sous l’ordre d’un militaire. 

     

    Enfin, il supposait que c’était bel et bien un militaire par rapport à leur façon de parler et de bouger. Mais, un doute le tenaillait, car il savait également pourquoi ils étaient là. Ils étaient à la recherche de deux femmes avec leurs bébés.

     

    Le militaire lui avait posé quelques questions concernant les deux femmes. Il leur avait dit tout ce qu’il savait, car il tenait à la vie et celle de sa famille. Il avait juste omis de signaler que les jeunes femmes n’étaient pas deux, mais trois. Celle-ci était assez effrayante. Il l’avait déjà vu à l’œuvre en se débarrassant de clients désagréables ennuyant ses jeunes amies.

     

    Il savait aussi qu’elle les attendait patiemment avec un sourire et un regard terrifiant, meurtrier. Il ne signala pas non plus qu’il avait aidé ces trois réfugiés en leur donnant toutes ses économies afin qu’elles puissent s’échapper. Pourquoi l’aurait-il fait ? Ces hommes ne vivraient pas assez longtemps de toute façon. 

     

    Certes, ces militaires pourraient lancer une bombe sur le bâtiment et ce serait vite réglé, mais ils étaient là aussi pour récupérer les deux enfants en vie. Leurs conceptions avaient couté une véritable fortune. Ils étaient donc des objets de trop grande valeur à ne pas perdre. 

     

    Un des hommes en uniforme s’approcha le plus près de la maison suivit de près par plusieurs autres. D’un geste, il ordonna l’assaut. Dans chaque maison, les enfants pleuraient, hurlaient de terreur dès qu’ils commencèrent à entendre les bruits de détonations, les hurlements de rage, de douleur. Ils se serraient fortement dans les bras de leurs parents tremblant eux même.

     

    Dans le bâtiment sombre, une femme blonde, mince d’une quarantaine d’années, habillée d’un pantalon sombre et d’un simple haut noir se tenait dans un coin hors vue, serrant un poignard déjà recouvert de sang frais. Son regard bleu — gris brillait d’un éclat proche de la folie. 

     

    Ces hommes allaient bientôt regretter amèrement d’avoir fait la rencontre de celle que les journaux appelaient la vampire quelques années plus tôt lorsqu’elle avait tué en vidant de leurs sangs plusieurs jeunes garçons et de filles que son père lui avait désignées. 

     

    Elle entendait les pas de l’un d’eux approchés. Ces imbéciles pensaient réellement qu’ils ne faisaient aucun bruit. La femme agit rapidement dans un geste violent et précis. La lame s’enfonça dans la gorge de l’homme s’écroulant avec un bruit de gargouillis. Sans attendre, elle bougea rapidement pour se mettre dans un autre abri.

     

    Elle avait pris soin tout de même de récupérer les armes et les munitions du mort. Elle recommença au début en tuant camouflé et silencieusement pour enfin se montrer face à eux. Recouverte de sang de leur compagnon, elle les toisait d’un regard froid et meurtrier. 

     

    Elle leur souriait comme si elle jubilait de leur insignifiante vie. Elle tenait toujours son poignard dans une main et une arme dans l’autre. Les trois hommes restant la mire en joue et tirèrent.

     

    La femme se mit à crier comme une damnée et fonça sur eux. Les hommes reculèrent effrayer. Cette femme ne devait pas être normale. Pourquoi les balles ne la touchaient-elles pas ? Comment pouvait-elle les éviter avec autant de facilité ? Ce n’était en rien une humaine, c’était un monstre. Leur peur soudaine leur fut fatale. Elle tira un premier tir atteignant le crâne de l’un d’eux. Un autre se fit trancher la gorge et le dernier tomba à genoux devant elle la suppliant de le laisser vivre.

     

    — Pathétique, laissa-t-elle échapper avant de tirer une autre balle en pleine tête. 

     

    Elle laissa tomber l’arme sur le cadavre. Elle inspira un bon coup. Elle leva les yeux vers le plafond. Elle ferma les yeux et poussa un hurlement de libération. Toute sa rage, toute sa haine passa à travers ce son crissant les tympans de tous ceux l’entendant. Puis, le silence se fit de nouveau entendre. 

     

    Elle rangea son poignard dans son fourreau et le remit à sa place habituelle, à sa hanche. Puis, elle tourna les talons vers le sous-sol dont la porte secrète se trouvait dans la cuisine. Elle descendit. Elle pouvait entendre les pleurs d’une femme.

     

    Elle ouvrit la porte qui grinçât légèrement. Elle apercevait le corps mince et fragile d’une jeune adolescente recroquevillée devant le corps sans vie de sa meilleure amie. Si seulement, elle lui avait obéi sur-le-champ cette dernière serait encore en vie. Mais non, celle-ci avait joué les rebelles et voilà où cela l’avait mené. 

     

    La femme blonde d’une quarantaine d’années secoua la tête. Son visage ne montrait en rien son serrement au cœur. Elle avait appris depuis longtemps à cacher ses émotions quand il le fallait. Mais la mort de la jeune Hannah la touchait plus qu’elle ne voulait le laisser paraitre.

     

    Ces deux adolescentes étaient pour elle, comme ses enfants. Elle avait appris à les aimer alors qu’elle se croyait dépourvue de ce sentiment de faiblesse. Enfin, c’était le leitmotiv de son père. L’amour n’était rien d’autre qu’une émotion à détruire, car il n’apportait rien de bon. Il rendait les gens faibles et dépendants. Quelques années plus tôt, elle avait compris son erreur en côtoyant certains jeunes qu’elle avait pour mission d’abattre. 

     

    Pour se venger, elle avait abattu son cher père qui n’avait pas hésité à vouloir l’assassiner. Elle lui avait prouvé son amour pour lui, en plantant son poignard. Grâce à cela, elle avait enfin trouvé la paix. 

     

    Bon certes, une paix éphémère, mais tellement agréable. Son regard se posa sur la gauche. Deux bébés dormaient à poings fermés, emmitouflés dans une couverture. Elle n’aimait pas les gosses. Ça ne faisait que pleurer, mais ces deux petits étaient différents. Depuis leur fuite, ils ne pleuraient jamais. Ils savaient se faire comprendre quand ils avaient faim, mais toujours en silence. 

     

    Que leur avait fait cet homme ? Pourquoi les avoir créés ? Pourquoi avait-il précisément choisi l’ADN de ces deux hommes ? Qu’est-ce qu’ils avaient pour autant fasciné cet homme ? Elle les connaissait : l’un de nom ; l’autre pour l’avoir côtoyé un peu. Après tout, elle avait eu la charge de tuer son fils adoptif à cet homme. Elle ne pouvait nier qu’elle avait apprécié ce garçon pour sa volonté de vivre. Il n’avait pas baissé la tête, il n’avait pas supplié. Il avait dit ce qu’il avait sur le cœur sans peur. 

     

    Dans un sens, elle était assez contente de savoir qu’il était toujours en vie. La femme blonde se secoua un bon coup. Elle s’approcha de la jeune fille. Elle lui posa une main sur l’épaule. Celle-ci leva ses yeux noirs, humides vers la femme. 

     

    — Samira, nous devons partir. Il peut nous envoyer d’autres hommes de main. 

     

    — Nous ne pouvons pas la laisser là, Saphira. 

     

    — Nous n’avons pas le choix. Vous avez choisi de sauver les enfants, alors assume. 

     

    — Mais comment vais-je faire sans Hannah ? Je n’aurais pas la force de nourrir les deux.

     

    — Choisit maintenant ! Soit, tu prends les deux, soit tu en laisses un et je le tue. Il est hors de question de le laisser à ce bâtard. 

     

    Saphira s’approcha des bébés réveillés. Elle pouvait sentir leur regard sur elle. Elle sortit le poignard et fit le geste de l’enlever du fourreau. Un cri retentit et la jeune Samira se mit devant. Elle pleurait de rage et bafouillait, mais elle avait le regard déterminé. 

     

    — Non pas ça ! Même s’ils ont été conçus de la pire des façons, ce sont nos bébés à Hannah et moi. Il est hors de question que l’un d’eux meurt. 

     

    — Alors, tu devras te battre pour eux. Je t’aiderais comme je le peux et à ma façon. Mais, je ne sais pas si nous arriverons à survivre. 

     

    La femme blonde rangea son arme. La jeune Samira se jeta dans les bras de celle-ci. Saphira se raidit. Elle n’avait pas l’habitude de ce genre d’affection. 

     

    — Saphira, jamais je n’aurais assez de mots pour tout ce que tu as fait pour nous, pauvres orphelines que nous sommes. Je sais que si je meurs, mon souvenir et celui de Hannah seront gravés dans ta mémoire. Une personne dans ce bas monde pourrie se souviendra de nous. 

     

    Saphira leva une main et la posa sur les cheveux noirs de l’adolescente.

     

    — Mouais, des chieuses de première. Prends les gosses, on se barre. 

     

    Sans plus un mot, Samira attrapa les bébés et les serra contre elle. Elle avait appris à les aimer ces petits êtres sans défense. Elle jeta un regard vers la femme blonde. Celle-ci se tenait agenouillée devant le corps sans vie d’Hannah. Saphira caressa la joue froide avant de fermer à jamais les yeux de la jeune fille brune.

     

    — Adieux Hannah. Que ton âme trouve enfin la paix qu’elle mérite.

     

    Puis sans un autre mot ou regard, elle sortit suivi de près par l’adolescente. Elle ferait en sorte de faire de Samira son double, afin de survivre. Elles disparurent dans la nuit froide en laissant une seule phrase pour un enfoiré. 

     

    « Va te faire foutre en enfer ! Un jour, tu goutteras à ma lame. »

     

  •  

    Depuis des années, le premier habitant du manoir à se lever se trouvait être toujours la même personne. Renko Miori ne fit donc pas exception cette fois encore. Il se levait, s’habillait dans le plus grand silence afin de ne pas réveiller sa marmotte de compagnon. Il savait bien que si par malheur, il le réveillait, il ne pourrait sortir de cette chambre avant un long moment. Les autres membres de la famille n’auraient donc pas de petits déjeuners.

     

    Ce n’était pas de la paresse de la part des autres membres, mais la cuisine était le domaine de Renko. Il la lâchait seulement si Sawako Sanada se trouvait dans les parages. Ce n’était pas tous les jours d’avoir un chef cuisinier à domicile. 

     

    Mais depuis peu, enfin depuis que deux petits démons pouvaient marcher sans aide, il ne pouvait plus dire qu’il était le premier debout. Michio et Naël avaient le sommeil léger. Et comme ils étaient réveillés, tout le monde devait le savoir évidemment. Les deux petits chenapans sortaient de leur chambre avec fracas. Ils couraient en hurlant presque dans le couloir jusqu’à la chambre de leurs pères.

     

    Au début, Renko les récupérait avant pour leur donner à manger et ensuite, il les laissait faire ce qu’ils voulaient. Mais Carlin lui avait ordonné de les laisser faire. C’était à Luce et Erwan de leur apprendre. Les grands-parents servaient à pourrir et gâter leurs petits-enfants.

     

    Donc ce jour comme les autres jours, Renko vit ses petits enfants en pleine forme courir tout en chahutant vers la chambre de leurs pères. Il secoua la tête et avec un sourire amusé, il descendit pour se rendre à la cuisine pour préparer de la bonne nourriture et surtout du café. 

     

    Michio et Naël entrèrent dans la chambre sans frapper et avec énergie. Erwan se redressa légèrement pour voir arriver les deux terreurs. Luce commençait à émerger. Il grogna en les entendant. Il avait encore sommeil. Ces deux démons demandaient beaucoup trop d’énergie. Si Naël s’approchait plus calmement, Michio lui n’en avait cure. Il grimpa sur le lit pour tomber littéralement sur son père Luce en riant. 

     

    Erwan attrapa Naël pour l’installer entre eux également. Luce parvint à décoller son énergumène de fils et l’installa auprès de son frère. Mais celui-ci n’avait pas envie de rester coucher. Il se redressa. Erwan leva les yeux au ciel. Ce garçon était vraiment une tête de mule. 

     

    — Pas dodo ! Debout ! cria Michio en secouant la tête.

     

    — Il est beaucoup trop tôt. Papa voudrait encore dormir un peu.

     

           — Non, pas dodo. Debout ! reprit à nouveau Michio.

     

           Naël s’était lui aussi redressé, mais il réclamait plus un câlin de son autre père. Erwan s’installa plus confortablement et il le prit contre lui. Naël posa sa tête contre l’épaule de son père tout content. Avec un peu de lassitude, Luce se redressa un peu en appuyant sa tête sur une main, le coude sur le matelas. 

     

           — D’accord pas dodo. Mais j’ai le droit à avoir un câlin moi aussi. 

     

           — Non ! Papa pas gentil, pas lever, répliqua Michio. 

     

           — Petit monstre. Tu vas voir si je ne vais pas avoir de câlin.

     

           À peine Luce venait-il de finir sa phrase qu’il se jeta sur le petit garçon. Michio se mit à rire, car son père s’amusait à le chatouiller en même temps. Au bout d’un moment, Renko vit les deux hommes entrer dans la cuisine avec les deux petits fripons dans leur bras. 

     

           Michio aperçut ses deux grands-pères. Il se tortilla pour descendre des bras de Luce. Il fonça ensuite vers eux en courant. Il stoppa devant eux. 

     

           — Papy Carlin pourquoi t’es sur les genoux de papy Renko ?

     

           Carlin sourit amusé. Il se pencha et il caressa la tête de Michio. 

     

           — Les genoux de Ren sont plus confortables qu’une chaise. 

     

           Le petit garçon pencha la tête, un doigt sur sa bouche comme s’il réfléchissait à la réponse de son grand-père. Il se mit à rire.

     

           — Comme les bras de papa ? Où on est bien et au chaud ?

     

           — Voilà, tu as tout à fait raison. 

     

           Michio sauta tout content. Puis, énergiquement, il s’écria :

     

           — J’ai faim.

     

           Erwan attrapa son fils pour l’installer à table près de son frère.

     

           — Naël ne mange pas tout. 

     

           Il piqua une crêpe dans l’assiette à son frère.

     

           — Michio ! Tu ne peux pas attendre que l’on te serve au lieu de piquer la nourriture de ton frère. 

     

           Michio lança un regard en coin à son père.

     

           — Moi grande faim, papa tortue.

     

           Luce soupira tout en se laissant glisser sur une chaise. Il allait devenir chèvre avec ce gosse. Il jeta un coup d’œil à son père. Celui-ci avait le regard brillant, trop brillant. Il se moquait de lui. Il se retenait à grande peine de rire. Pas un pour rattraper l’autre. 

     

           — Allez-y ! Moquez-vous de moi ! Je commence à y être habitué.

     

           — Mais que veux-tu mon ange ? Tu te laisses mener par le bout du nez par les asticots. C’est trop drôle. 

     

           — Papy Carlin, je ne suis pas un asticot, répliqua Naël la bouche pleine.

           

           Il mangeait plus rapidement afin que son frère arrête de lui piquer sa nourriture. 

     

           — Ah oui, et qu’est-ce que tu es, alors ? 

     

           — Je suis un amour de petit ange.

     

           La réponse fut tellement rapide et dite sérieusement que les adultes ne purent s’empêcher de rire. Juste pour voir la réponse de son fils, Erwan demanda :

     

           — Et toi Michio ? Es-tu un asticot ?

     

           Michio prit le temps de finir de manger avant de répondre. Il n’en avait pas laissé une seule miette. Il sourit à son père et répliqua :

     

           — Je suis un diable de petit ange.

     

           — Ca, c’est bien vrai surtout le mot diable te convient bien, rétorqua Luce en lui ébouriffant les cheveux.

     

           Après le petit déjeuner, les deux garçons s’échappèrent. Luce soupira. Il allait devoir leur courir après pour pouvoir leur faire prendre le bain. Erwan avait un peu pitié de son homme, mais il ne pourrait pas l’aider cette fois-ci. Il devait se rendre à son travail. Il avait beau être le patron, ce n’était pas une raison pour ne rien faire. 

     

           Il embrassa sa moitié avait de s’échapper au travail. La société se portait toujours comme un charme, mais depuis quelque temps, des incidents se produisaient. Un virus avait été détecté dans les ordinateurs centraux. Il avait été purgé assez rapidement. Une petite entreprise informatique avait pris feu. Il avait pu être éteint assez rapidement ce qui avait limité les dégâts. Et il y en avait d’autres encore.

     

           Pour Erwan, ce n’était pas une coïncidence. Quelqu’un s’en prenait à la Miori Corporation. Mais qui ? Et pourquoi ? Telle était la question. Cette société lui avait été léguée par son grand-père August Miori. Celui-ci l’avait eu lui-même par son propre père. Il l’avait ensuite agrandi et il l’avait mené aussi loin qu’il avait pu. Il fut très heureux quand Erwan avait accepté de reprendre le flambeau.

     

           Erwan ne voulait pas décevoir son grand-père. Personne ne toucherait à sa société sans en subir les conséquences. Tous les employés méritaient que l’on protège leur travail. Et même s’il demandait beaucoup d’eux, il avait fait en sorte qu’ils soient satisfaits de travailler pour lui. Il allait avoir beaucoup de travail avec son père Youji et quelques autres pour retrouver parmi eux, leurs ennemis potentiels, comme un employé renvoyé et mécontent, celui qui leur causait des ennuis. 

     

           Luce parvint à récupérer ses deux loustics. Il les portait chacun un sous le bras. Les deux petits monstres riaient en gesticulant. Luce se demanda bien comment il parvint jusqu’à la salle de bain sans en faire tomber un. Et comme à l’accoutumée, le bain se passa de la même manière. Il fut arrosé de la tête aux pieds.

     

           Il les relâcha ensuite. Ils se sauvèrent comme deux furies. Infatigable ces deux-là. Après s’être changée, Luce se dirigea vers l’étage où se trouvait la grande bibliothèque. La porte se trouvait entre-ouverte. Il fronça les sourcils. 

     

           En y entrant, il aperçut Naël allongé sur un canapé. Il regardait un énorme livre d’images. Renko, installé sur un fauteuil, adressa un sourire à son fils. Celui-ci fut rassuré. Il n’aimait pas savoir les petits seuls dans la bibliothèque. Luce se dirigea vers le bureau sur la droite. Il s’installait de temps en temps là pour écrire. Il ouvrit le tiroir pour prendre son cahier bleu. Le cahier où il écrivait toujours ses histoires avant de les retaper sur ordinateur ensuite.

     

           Un nouveau froncement de sourcil, il se mit à chercher dans les autres tiroirs. Renko le vit chercher. 

     

           — Que cherches -tu, Luce ? 

     

           — Mon cahier. Il n’est plus à sa place.

     

           Luce soupira. Il se tourna vers son père. 

     

           — Papa ? Qui est le coupable ?

     

           — Michio, répondit Naël à la place de Renko.

     

           Celui-ci, d’ailleurs, se redressa derrière le canapé où se trouvait son frère. Il tenait bien un livre dans ses mains, mais ce n’était pas le cahier bleu. Luce s’approcha et il s’agenouilla devant son fils. Michio le regardait avec un petit sourire. 

     

           — Michio, où as-tu mis le cahier ? 

     

           Le petit démon haussa les épaules. 

     

           — Je ne sais pas. Il était là et il n’est plus là.

     

           Luce secoua la tête exaspérée. 

     

           — Michio, je te le redemande une dernière fois. Où est le cahier bleu ? 

     

           — Au parc. Il avait envie de voir de la compagnie. 

     

           Luce ne savait pas s’il devait rire ou pas. Renko lui ne se gêna pas. C’était plutôt amusant de voir son fils galérer. C’était peut-être une petite vengeance de toutes les misères que Luce avait fait à leur père plus jeune. Luce n’avait pas souvenir d’avoir été pareil même si tout le monde l’affirmait haut et fort. 

     

           — Michio ! Le cahier ?

     

           Est-ce qu’il sentait que son père commençait à s’irriter en tout cas, le petit changea de caractère. Il tapa du pied et s’écria :

     

           — Non, pas envie.

     

           — Bon puisque c’est ainsi, tu vois le coin.

     

           Luce lui montra un coin dans la partie gauche de la bibliothèque.

     

           — Tu y vas et tu n’as pas le droit de te retourner jusqu’à nouvel ordre à part si tu changes d’avis et que tu me dises où tu as mis le cahier. 

     

           Michio regarda un instant son père avant de faire ce que celui-ci venait de lui dire. Il s’y rendit en traînant du pied et Luce pouvait l’entendre râler. Michio s’arrêta juste devant le coin et y resta sans plus broncher. 

     

           Luce secoua la tête. Il se redressa et il posa la question à Naël s’il savait où se trouvait le cahier. 

     

           — Oui je sais. Mais pas dire.

     

           Réponse catégorique. Et quand son père lui fit la réflexion qu’il pourrait aussi aller au coin, Naël le prit au mot. Il se redressa en embarquant le gros livre et il rejoignit un autre coin de mur. 

     

           — Il n’y en a pas un pour rattraper l’autre. Ce sont deux démons. Et je suppose que tu ne me le diras pas non plus.

     

           Renko émit un petit rire. 

     

           — Tu veux que j’aille au coin aussi. 

     

           — Très drôle, papa.

     

           Pendant plus d’une heure, Luce se mit à chercher après son cahier sans le trouver évidemment. De lassitude, il finit par s’arrêter et il se tourna vers le coupable. Il eut une exclamation. 

     

           — Michio ? Qu’est-ce que tu as fait ? 

     

           Carlin pénétrait dans la bibliothèque quand il entendit l’exclamation de son fils. Il les rejoignit. Il aperçut alors les dessins enfantins sur le mur blanc. Il eut un sourire un peu troublé. Michio avait hérité de son talent en dessin. Même si ceux-ci n’étaient pas encore parfaits et tremblotants avec le temps, les dessins deviendraient de plus en plus beaux. 

     

           — Bah quoi, papa ? Tu m’as dit de rester au coin, mais m’ennuie moi. 

     

           — Ce n’était pas une raison pour peinturlurer le mur.

     

           Michio baissa la tête près à pleurer. Luce s’en voulut. Il n’avait pas voulu durcir le ton, c’était venu tout seul. Il soupira à nouveau. Il prit son fils contre lui. Michio posa sa tête contre l’épaule de son père.

     

           — Comment je vais nettoyer ça maintenant ?

     

           — Bah ! Tu n’as qu’à laisser comme c’est. 

     

           — Mais enfin papa ! 

     

           Carlin haussa les épaules. Ce n’était que des murs. Il n’y avait pas mort d’homme. Le grand-père attrapa son petit-fils dans les bras. Celui-ci le regarda étonner. Carlin lui embrassa le front. Puis, il dit :

     

           — Si tu dis à ton père où se trouve son cahier, on va aller s’amuser à peindre tous les trois.

     

           Naël les avait rejoints. Il se cachait derrière la jambe de Carlin. Il sourit. Il était content d’être dans le lot. Michio hésita un instant. Il aimait bien faire râler son père, mais jouer avec papy Carlin, c’était tout aussi amusant. 

     

            — Je l’ai donné à Reine pour qu’elle le cache.

     

           Carlin eut un léger rire. 

     

           — Et maintenant, je fais comment pour savoir où cette friponne de chatte l’a mis ?

     

           Carlin déposa Michio. Il prit à chacun une main et il quitta la pièce en riant avec eux. Renko secoua la tête. Il eut pitié de son fils. 

     

           — Il doit être dans leur chambre. Elle se dirigeait dans cette direction.

     

           Luce remercia son père. Il quitta la pièce pour se rendre dans la chambre des deux loustics. C’était toujours la même chambre. Celle qui lui avait appartenu enfant. La seule différence, c’était que le petit lit avait été changé en deux lits pour enfant, mais un seul était utilisé. 

     

           Michio et Naël dormaient toujours ensemble. Ils avaient bien tenté en couchant l’un et l’autre dans un lit séparé, mais dès qu’ils avaient le dos tourné, l’un d’eux se levait pour rejoindre l’autre. En guerre lasse, ils avaient fini par les laisser faire. 

     

           Luce se demandait comment se déroulerait la rentrée scolaire pour ces petits monstres. Ils avaient encore quelques mois de liberté, mais dès le mois de septembre, ils intégreraient la maternelle afin qu’ils puissent connaitre d’autres enfants de leur âge.

     

           Certes, ils côtoyaient Dan Marcello. Naël adorait jouer avec lui rendant parfois Michio jaloux. Celui-ci avait un peu de mal à prêter son frère. Mais, Michio n’était pas pour autant agressif envers Dan. Il l’aimait bien aussi, mais seulement s’il était intégré au groupe sinon il boudait et il faisait une crise.

     

           Erwan était celui qui le calmait aussitôt. Le jeune homme le prenait dans ses bras et il discutait ensemble pendant un long moment. Mili en était verte de jalousie. Son fils l’énervait à toujours être charmeur envers son ange et ses deux démons. Pourquoi n’avait-elle pas le droit d’avoir aussi des câlins de son fils ? Réponse de Michio, son papa Erwan était à Naël et à lui. Il acceptait de le prêter à papa Luce, mais c’était tout.

     

           Luce récupéra enfin son cahier. Il se trouvait bel et bien dans la chambre des petits. Reine dormait dessus. Elle n’avait pas vraiment apprécié d’être interrompue dans son sommeil. Elle lui avait donné un coup de patte sur la main. Tout content d’avoir enfin son cahier, Luce retourna dans la bibliothèque pour écrire pendant que les petits démons étaient occupés. 

     

           Renko avait quitté les lieux. À la place se trouvait Maqui, le compagnon muet de son cousin Rand Osborne, le fils de sa sœur Maeva. Le jeune homme lui sourit et avec ses gestes lui fit comprendre de ne pas faire attention à lui. Luce s’installa au bureau et il plongea dans l’écriture comme à son habitude. Il en oublia le reste du monde, plongeant dans l’histoire d’un monde imaginaire aux delà des étoiles.

     

           Combien de temps écrivait-il ? Il ne s’en souvenait pas, mais il sentait une présence près de lui. Il sursauta. Il regarda autour de lui, mais il ne vit personne. Alors il baissa les yeux et il y aperçut Michio assis sur le sol regardant les images d’un livre.

     

           Il finit par lever les yeux vers son père. Il lui sourit. Il avait déjà oublié sa punition. 

     

           — Que fais-tu là petit chenapan ? 

     

           — Papa, lire une histoire ?

     

           Luce jeta un coup d’œil à son cahier. Il soupira. Il le rangea dans le tiroir en prenant soin de le fermer. Puis, il se leva et il souleva son fils pour se rendre sur le canapé. Michio resta sur ses genoux pour voir les images. 

     

           — Où est ton frère ?

     

           — Papy Renko apprend les échecs avec tonton Rand.

     

           — Et ça ne t’intéresse pas les échecs ? 

     

           Michio secoua la tête. 

     

           — Non, je préfère histoire avec papa.

     

           Luce déposa un petit baiser sur la tête de son fils. Ils les aimaient ces gosses qui étaient entrés dans leur vie sans prévenir. Il n’aurait pas cru pouvoir les aimer autant. Il n’avait jamais aimé partager ses parents et surtout Erwan. Il n’aimait toujours pas d’ailleurs sauf pour ces deux petites exceptions. Il jeta un coup d’œil à l’horloge. Dix-neuf heures venaient de sonner. Étrange, Erwan n’était toujours pas rentré. Un autre problème avait dû arriver. Soupirant, Luce ouvrit le livre et il commença à lire :

     

           — Il était une fois…


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  • Chapitre 3

     

           Les jours suivants, la nouvelle, comme quoi deux nouveaux membres de la famille Oda venaient de faire leur apparition, se propagea à la vitesse de la lumière. Ils eurent donc la visite de toute la famille comptant pour la plus grosse partie d’amis de lycée, d’enfance ou connu entre temps.

     

           Les jumelles d’Erwan ne ratèrent pas l’occasion de taquiner leur frère même si ensuite, elles hurlèrent dans toute la maison, car leur frère leur faisait à nouveau des misères. 

     

           Youji Miori discuta longuement avec Renko et son fils à propos de la marque sur la main du petit Naël. Elle avait la forme d’un petit papillon. Youji était formel. August Miori l’avait eu au niveau du cœur. 

     

           Erwan précisa de toute façon que les petits devront se rendre à l’hôpital pour des examens et des tests. Il ne voulait pas les traumatiser, car il se souvenait très bien que Saphira leur avait parlé des tortures lors de tests. 

           Carlin approuva. Certes, il détestait les hôpitaux. Mais il ne voulait pas empêcher de soigner ces petits enfants. Il conseilla, tout de même à ce que ce soit le docteur Élone Pastoly ou le docteur Carmichael qui s’occupent d’eux. 

     

           Erwan avait pensé à la même chose. Il l’avait précisé en prenant rendez-vous. Pour ne pas changer, Luce râlait de toutes les visites même s’il était heureux de voir tous ses amis. Mais les deux garçons devenaient infernaux. Ils ne voulaient pas faire de sieste et ils devenaient grognons si Luce s’éloignait de trop. 

     

           Ils avaient mis un deuxième lit dans la chambre. Mais comme l’avait deviné Luce, cela posa problème. Michio refusait de dormir si son frère n’était pas avec lui. Naël ne disait rien, mais il n’était pas à l’aise non plus. Luce ne réfléchit pas longtemps, il laissa les garçons dormir ensemble. Cette habitude finirait par s’en aller avec le temps. 

     

           Michio avait un caractère bien à lui. Il pouvait être un ange comme il pouvait devenir une vraie teigne. Il pouvait être colérique et deux secondes plus tard rire aux éclats. Il mangeait pour deux et personne n’avait le droit de toucher à son assiette. Gare à lui sinon ! 

     

           Naël pouvait être plus sage et beaucoup plus curieux. Mais il lui arrivait aussi de piquer des crises de colère surtout s’il ne voyait pas son frère depuis un moment. Il se calmait aussitôt en l’apercevant. Il aimait bien regarder des livres même si souvent il se trouvait à l’envers. Il avait déjà tendance à s’échapper aussi à quatre pattes. 

     

           Michio était plus fainéant sauf s’il voyait un chat. Il avait tendance à vouloir les suivre. Un jour, Luce eut bien du mal à le retrouver. Il avait bien failli paniquer, mais il eut l’idée de se rendre dans la salle d’eau près de la sortie arrière du manoir. Il retrouva son fils endormi dans la panière avec Reine comme couverture. 

     

           D’ailleurs, celle-ci empêcha Luce à le récupérer. Dès qu’il faisait le geste de s’approcher, elle lui fêlait à travers et elle sortait ses griffes bien acérées. Reine, celle que les chats de la maison considéraient comme leur chef, s’était prise d’une grande affection pour les deux bambins avec une préférence pour Michio. Elle restait souvent près d’eux à veiller au grain. La nuit, elle s’installait sur le coussin au bout du lit. 

     

           Si l’un d’eux faisait un cauchemar, ce qui arrivait assez régulièrement surtout si un orage grondait, elle s’approchait d’eux et elle se couchait entre eux tout en laissant son ronronnement fonctionner. Luce ou Erwan veillait juste qu’elle n’étouffe pas par inadvertance un des enfants.

     

           Carlin disparut pendant un temps dans son atelier. Luce avait tenté de savoir la raison en interrogeant Renko. Celui-ci sourit. Il lui dit simplement qu’il en avait eu besoin, c’est tout. Luce resta dubitative. Son père se cachait souvent dans son atelier quand l’émotion était trop forte pour lui. Est-ce le fait d’apprendre qu’il était père ? Qu’on avait utilisé son ADN sans sa permission pour jouer avec des enfants ? 

     

           Peut-être finira-t-il par le savoir un jour ? Le jour J, Erwan et Luce emmenèrent les bambins à l’hôpital. Ils informèrent qu’ils resteront présents pour chaque examen. Les infirmières furent troublées par cette demande, mais elles le furent encore plus, car le docteur Pastoly accéda à la demande. Habituellement, il refusait que les parents restent, car ils pouvaient devenir une gêne. 

     

           Pour certains examens, Naël et Michio ne dirent rien. Mais, pour la prise de sang, ce fut une tout autre affaire. Apparemment, la seringue leur rappelait de mauvais souvenirs. Luce prit Michio dans les bras et lui murmura des mots doux pour le calmer. Il se laissa faire ainsi. Pour Naël, ce fut pareil. Les larmes étaient toujours présentes, elles perlaient au coin de ses yeux. Il avait niché sa tête contre l’épaule d’Erwan. L’homme pouvait le sentir trembler. 

     

           Il s’en voulait un peu de leur faire subir tous ces examens, mais il fallait bien savoir si tout allait bien pour eux. Il eut encore deux, trois tests ensuite, mais beaucoup plus doux et reposants pour les enfants. Michio finit par s’endormir dans les bras de Luce. Son frère ne tarda pas en faire autant. Le docteur Pastoly les libéra. Il demanda à une infirmière d’amener ces patients dans une chambre libre afin de laisser les petits dormir tranquillement.

     

           Dès qu’ils furent posés sur le lit, Naël se moula contre son frère et leurs mains se lièrent. Ils eurent un soupir de soulagement. Luce se laissa tomber sur une chaise. Il leur caressa la joue. 

     

           — Qu’est-ce qu’ils ont subi pour être aussi apeurés ? Comment peut-on faire du mal à des êtres aussi petit ? 

     

           — Je ne sais pas mon ange. Mieux vaut ne pas le savoir pour rester sain d’esprit, je pense. Si tu le permets, je vais faire les papiers pour qu’ils portent également mon nom.

           

           Luce releva la tête vers son compagnon. Il lui sourit.

     

           — Évidemment que tu peux. Ce sont les tiens aussi.

     

           — Luce, je leur donne mon nom, mais ce serait bien qu’ils ne l’utilisent pas en public.

     

           — Comme tu veux. Je pense que c’est une bonne idée. Oda est connu, mais moins que celui des Miori. Ton nom intimide beaucoup trop. 

     

           — Je n’y peux rien. As-tu réussi à joindre Sawako ? 

     

           — Oui, il a promis de venir avec sa mère et le petit Dan. Il doit avoir le même âge que ces deux loustics. Ça fera un bon compagnon de jeu. 

     

           — Espérons qu’ils l’acceptent dans leur monde.

     

           Quand les deux enfants se réveillèrent, le couple put rentrer. Michio décida de papoter tout le long du trajet avec son frère. Celui-ci ne disait rien, mais il riait de temps en temps. 

     

           Les jours suivants, Sawako arriva en fanfare comme à son habitude accompagnée par son compagnon et d’un petit garçon lui ressemblant beaucoup. Harumi n’avait pas pu venir. Elle avait donc laissé son fils ainé se charger de Dan. 

     

           Erwan songea que Shin avait vraiment une patience d’ange avec cet énergumène remuant et mordant. Sawako lui chercha des noises comme à son accoutumé. Laissant son homme se dépatouillait avec son ami, Luce souleva le petit Dan et il sortit.

     

           Le petit garçon était un petit ange à ses heures. Il devrait très bien s’entendre avec Michio à ce sujet tout comme son côté glouton. Il entra dans le salon où Michio et Naël jouaient sur une couverture avec la surveillance de mademoiselle Reine et de Carlin. 

     

           Son père était ressorti de son atelier la veille. Il était couvert de peinture et il avait une extrême fatigue. Maintenant, il avait retrouvé son éclat habituel et sa forme physique. Dan l’aperçut et lui fit un grand sourire et un coucou de la main. 

     

           Ensuite, le regard du petit tomba sur les deux garçons sur la couverture. Ceux-ci avaient arrêté de jouer pour le regarder. Luce le déposa sur la couverture également. Il présenta :

     

           — Voici Dan. Il va être votre camarade de jeu pour la journée. Dan, je te présente Michio et Naël.

     

           Les trois garçons s’observèrent un long moment en silence. Michio fut le premier à agir. Il leva les bras et il poussa un cri. Puis, il se mit à rire avant de prendre un petit cube et de le lancer en direction de Dan. 

     

           — Michio, ce n’est pas une façon de faire, gronda calmement Luce. 

     

           Le garçon regarda son père et il laissa échapper, avec une impression qu’il haussait les épaules.

     

           — Bah bababa ! 

     

           Carlin se mit à rire. Michio se moquait carrément de son père. C’était évident. Dan prit le petit cube. Il le regarda un instant avant de rire à son tour. Naël le rejoignit ensuite. Luce secoua la tête exaspérée. Qu’est-ce que cela allait donner quand il sera plus grand, ce petit démon ? 

     

           Sawako vient les rejoindre quelque temps plus tard après avoir bien ennuyé Erwan. Shin plaignait sincèrement son ami. Son chaton pouvait être une vraie plaie quand il le voulait. Shin rejoignit Carlin sur le canapé. Il observa Sawako avec les petites créatures bruyantes. 

     

           — Alors voilà tes deux mioches, Luce ? 

     

           — Tu ne pourrais pas être plus courtois. 

     

           — Nada ! Tu aurais préféré que je dise, ces trucs à quatre pattes qui hurlent et qui t’en font voir de toutes les couleurs ? 

     

           En réponse, il reçut un cube sur la tête. Sawako baissa la tête vers le coupable. Celui-ci l’observait en souriant de toutes ses dents. Avant qu’il puisse dire quelque chose, il en reçut un deuxième. Michio riait. Il n’avait nullement peur de ce chat sauvage. 

     

           — Luce ? Au lieu de te foutre de ma poire, tu ne pourrais pas apprendre à ton fils d’être plus correct.

     

           — Et c’est toi qui dis ça ? répliqua Luce, tout sourire. 

     

           — Mais je vais en faire du pâté pour chien s’il continue.

     

           En récompense, Naël et Dan firent de même. Ils lui envoyèrent d’autres cubes. Sawako hurla et leur sauta dessus. Il se mit à chatouiller l’un après l’autre. Ils riaient comme des fous. 

     

           Quelques heures plus tard, Sawako regardait un livre avec Naël sur les genoux. Michio préférait ennuyer Shin sur les genoux de Carlin. Dan lui s’était endormi sur la couverture. 

     

           — Sawa ? Tu nous fais à manger. 

     

           — Pas question ! Je suis invité. Je ne travaille pas. Demande à ton homme, Carlin. 

     

           — Il fait grève. Bon, ce n’est pas grave. Nous allons leur donner un repas acheté. 

     

           Le japonais redressa la tête. Ses yeux brillaient.

     

    — Ça ne va pas. Ce n’est pas bon pour eux. 

     

    — Bah oui, mais comme tu ne veux pas cuisiner ! 

     

    Sawako se redressa en râlant sur l’incompétence de ces amis. Shin sourit, amusé. Son chaton venait simplement de se faire avoir en beauté. Il refila Naël à son père et il sortit du salon pour la cuisine. Il vira toutes les personnes. Renko et Erwan rejoignirent leurs compagnons dans le salon. 

     

    Ce soir, le repas serait encore plus excellent que d’habitude. Après tout, ce n’était pas tous les jours d’avoir un chef cuisinier dans sa cuisine. Luce jeta un coup d’œil à Michio. Celui-ci avait chaviré sur les genoux de Shin. Il avait décidé de l’amadouer ou de l’embêter. C’était pareil au même. Shin avait beau faire comme s’il ne le voyait pas. Le petit faisait tout pour se faire remarquer et l’homme ne pouvait pas le laisser tomber non plus. Michio gagna haut la main. 

     

    Quelques jours plus tard, ils reçurent les résultats de leur examen. Les deux enfants étaient en excellente santé. Les tests sanguins eux montrèrent la présence de la drogue rouge du dragon. Mais, il ne fallait pas s’alarmer. Elle ne leur causait aucun problème. Luce avait serré ses deux enfants contre lui. Un autre lien les liait à eux. Luce, Carlin, Sawako et bien d’autres avaient également cette drogue dans leur veine. 

     

    Pour les tests ADN, ils devront attendre encore un peu plus longtemps pour avoir les résultats. Michio et Naël faisaient déjà partie de leur famille. C’était juste pour être certains des dires de Saphira.

     


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  • Chapitre 2

     

    Pour le retour, Renko et Carlin prirent les deux bambins avec eux. Cela occupera Carlin pendant le trajet de la route. Même maintenant, il n’était toujours pas à l’aise en voiture. Erwan, étant venu avec eux, décida de rentrer avec Luce. 

     

    Ainsi pendant tout le trajet, Luce subit le sermon de tous les diables de son homme. Luce l’adorait. Mais qu’est-ce qu’il pouvait être pénible parfois ! Bah ! De toute façon, il ne pourrait pas le changer et il ne le voulait pas. Il écouta juste d’une oreille. Il aurait déjà oublié dans une heure. 

     

    Quand ils arrivèrent, ils eurent droit à leur accueil habituel. Une dizaine de chats, installés sur les toits de voitures ou sur le rebord d’une fontaine en pierre, les observaient avec insistance. C’était leur manie afin de mettre à mal tout nouvel arrivant.

     

    Prenant un bambin chacun, Carlin et Renko se dirigèrent vers l’entrée. Les petits virent les animaux. Ils poussèrent un petit cri de joie et tendaient leur petit bras vers eux. Renko approcha alors de la fontaine où se tenait un gros chat blanc aux poils longs. Par son attitude, il l’avait appelé Reine et elle portait bien son nom. 

     

    Il s’agenouilla devant elle, mais sans trop approcher. La chatte observa un instant cet humain avant de porter son attention vers la petite chose dans ces bras. Michio la regardait en silence. Renko l’approcha un peu plus près. La chatte approcha son museau chatouillant le petit qui se mit à rire. Elle lui donna un coup de langue râpeuse sur le nez en ronronnant. Renko libéra une main et lui caressa le crâne. La Reine satisfaite descendit et se retira. Comme par enchantement, les autres chats suivirent.

     

    Sans plus attendre, tout le petit groupe pénétra dans le manoir. Des voix s’entendaient. Ils provenaient du salon. Erwan grimaça et soupira. Sa mère se trouvait déjà sur les lieux.

     

    Dès que la porte du salon s’ouvrit, toutes les personnes présentes dans la pièce se retournèrent d’un bloc. Akira Soba et son compagnon Matt discutaillaient avec une femme du même âge installé sur le canapé d’angle. Sur l’autre canapé se tenaient les jumeaux Kaigan et Hans Soba, les fils du petit frère d’Akira, mais élevé par lui, ainsi que leurs compagnons respectifs, Akemi et Léo.

     

    — Carlin, où étais-tu passé ? Je viens spécialement te voir et monsieur n’est pas là, râla comme de coutume la femme près d’Akira.

     

    — Mili, je ne suis pas à ta disposition. Si tu prévenais, ce serait plus simple. 

     

    La femme renifla peu galamment. À ce moment, elle aperçut les deux bambins dans les bras de ses amis. Mais avant qu’ils disent quoi que ce soit, Erwan expliqua :

     

    — Pour certaines raisons, ces petits vont vivre ici désormais. 

     

    Le ton employé forçait à ne pas trop poser de question. Mais, comme sa mère n’en faisait toujours qu’à sa tête, elle demanda :

     

    — Et la raison ? Car il doit y en avoir une, non ? Je suis peut-être un peu vieille, mais je ne suis pas sénile ni aveugle. Ces deux petits ont quelque chose de familier. 

     

    Carlin jeta un coup d’œil amusé à son beau-fils. Celui-ci levait les yeux au ciel. Difficile de cacher un secret avec sa mère de toute façon. 

     

    — Tante Mili, tu es trop curieuse. Je suis leur père adoptif et c’est tout.

     

    Akira et Mili se regardèrent un moment étonné. Luce avait toujours dit qu’il n’adopterait jamais. Il y a encore quelques semaines, il le disait encore, alors pourquoi ce changement soudain ? 

     

    — Luce, je crois qu’il vaut mieux leur dire la vérité. Mais, j’aimerais que cela ne s’ébruite pas trop, répliqua finalement Carlin. 

     

    Tous présents hochèrent la tête. Kaigan et Hans se levèrent suivis de leurs compagnons. 

     

    — Nous allons vous laisser. Nous sommes tout aussi curieux de cette situation, mais c’est mieux qu’il y ait moins de monde au courant. 

     

    Après leur départ, Carlin se tourna à nouveau vers ses amis. Il se dirigea vers eux et s’installa près de la femme. Renko remit Michio à Luce pour se rendre dans la cuisine préparée un plateau-repas pour le groupe. Mili était impatiente de connaitre cette vérité. Elle n’avait pas changé pour cela, elle serait éternellement curieuse. 

     

    Elle demanda la permission pour prendre dans ses bras le petit Naël. Celui-ci l’observa un instant en silence avant de lui adresser un sourire. 

     

    — Ah ! Il est trop adorable. Je craque. 

     

    Luce s’installa sur l’autre canapé en compagnie d’Erwan. Le petit Michio, assis sagement sur les jambes de son père adoptif, regardait autour de lui, intrigué. Il y avait encore de nouvelles personnes, mais cela ne semblait pas le déranger outre mesure. Akira l’observait depuis un moment avant de sortir.

     

    — C’est assez étrange, mais j’ai une impression de déjà-vu. 

     

    À ce moment, Renko revint avec le plateau rempli de sandwichs, deux verres de lait pour bambin. Il y avait également un album photo. Erwan le prit en main. Il y jeta un coup d’œil. Il tomba alors sur les deux photos voulues. Il jeta un œil sur le petit près de lui. Il n’y avait aucun doute sur la paternité de Carlin. Michio lui ressemblait beaucoup. L’autre photo était une vieille photo de son grand-père. Il jeta un coup d’œil à Naël. Même si le garçon n’avait ni les yeux saphir ni la blondeur d’August Miori, il y avait quand même quelques traits et surtout la tâche sur la main. 

     

    — Bon alors, j’attends la vérité, s’impatienta sa mère. 

     

    Carlin prit enfin la parole et il raconta toute l’histoire. Abasourdis, les amis n’en revenaient pas de cette nouvelle. Mili serra un peu plus Naël. Celui-ci leva la tête pour la regarder. Il lui posa alors la main sur la joue comme pour la cajoler. Elle lui donna un baiser sur le front. 

     

    Pendant ce temps, Michio avait décidé de changer de genoux. Il avait gesticulé pour rejoindre son autre père. Il avait décidé de discuter. Il baragouinait tout en bougeant ses petits bras. Erwan l’écoutait avec un léger sourire. Mili finit par s’en apercevoir. Elle n’en revenait pas de la douceur du regard de son fils. 

     

    Les seules fois où il montrait ce regard, c’était pour le spécimen à ses côtés. Personne d’autre n’avait le droit à cette douceur. Mince, pourquoi ne montrait-il pas aussi souvent cette émotion ? 

     

    — Ah ! Mais ce n’est vraiment pas juste ! s’écria-t-elle, d’un coup faisant sursauter Naël. 

     

    — Maman, si tu pouvais te calmer un peu. Tu vas lui faire peur. 

     

    — Tu pourrais être plus aimable avec ta maman chérie. 

     

    — Tu me fatigues. 

     

    Michio leva ses bras en poussant un cri de joie et rigola. L’atmosphère s’allégea aussitôt surtout que Naël répondit à son frère de la même manière. Plus tard, dans l’après-midi, Michio et Naël firent connaissance avec tout le reste de la maisonnée. 

     

    Luce annonça juste que les enfants porteraient désormais le nom Oda. Et il précisa que seuls les imbéciles ne changeaient pas d’avis par rapport à son changement d’avis sur l’adoption. Il eut aussi la discussion pour le coucher des petits.

     

    Heureusement, Carlin avait refusé de toucher à l’ancienne chambre de Luce. D’autres enfants avaient pu l’utiliser, mais elle n’avait pas changé d’un iota. Pour cette nuit, les deux bambins dormiraient dans le même lit assez grand pour eux deux de toute façon. 

     

    Luce avait beau râler. Il s’occupa, de tout de même, de Naël et de Michio avec une certaine efficacité. Il les fit manger dans les sièges pour enfant. Il eut le droit de ramasser l’assiette de Naël l’ayant chaviré en riant. Michio lui râlait comme un damné si par malheur on lui retirait son assiette. Il était évident que ce serait un estomac sur patte également. 

     

    Il leur fit prendre le bain ensemble avec l’aide de Hans. Ils en ressortirent trempés de la tête aux pieds. Les deux fripons les avaient aspergés en riant. Pour le coucher, les deux petits n’avaient absolument pas envie de dormir. Ils étaient assis dans leur lit et baragouinaient entre eux. 

     

    Luce les observait avec un petit sourire amusé. Erwan le trouva dans la même position quelque temps après. Les deux bambins s’étaient finalement décidés à s’endormir en se tenant la main comme à leur habitude. Luce se demandait si cela n’allait pas engendrer problème quand chacun aura son lit. 

     

    Il se laissa aller contre le corps de son homme qui le serrait contre son cœur. Il se sentait toujours bien dans ses bras. Tous ses problèmes semblaient s’évaporer ainsi. 

     

    — Je suis vanné. Il s’est passé trop de choses aujourd’hui. 

     

    — C’est compréhensible. Tu as rompu avec la maison d’édition de tes débuts, tu te retrouves papa de deux enfants. 

     

    — Ah ! Maudite soit-elle ! Pourquoi moi ? Elle n’aurait pas pu mettre ton nom ? Ou celle de papa ? 

     

    — Plains-toi ! Tu avais l’air de te plaire dans ton rôle de papounet.

     

    Luce se retourna pour faire face à son homme. 

     

    — Mais cela n’a rien à voir. Il aurait été normal de mettre papa sur le papier après tout, Michio étant son fils. 

     

    Erwan déposa de petits baisers sur le visage de Luce qui fermait les yeux de pur bonheur. 

     

    — Idiot. Carlin n’est plus tout jeune. Et puis, il a l’air d’être content de te voir jouer les papas poules.

     

    — Mouais, c’est vrai. Mais, tu vas me donner un coup de main pour les élever. Sinon, je vais te pourrir la vie avec eux.

     

    Erwan eut un léger sourire.

     

    — Ah oui ? Je vais commencer à me venger en avance alors. 

     

    Il le souleva et l’éjecta sur son épaule. Luce poussa un petit cri de surpris et s’écria :

     

    — Pose-moi à terre ! 

     

    Il grimaça en recevant une petite tape sur les fesses. Erwan riait. 

     

    — Surement pas. Je n’ai pas envie de te courir après dans toute la maison. Je vais te faire crier toute la nuit mon ange.

     

    Luce tenta de se libérer, mais c’était perdu d’avance. Il n’avait jamais réussi à se libérer. Et il devait bien reconnaitre, il n’avait pas vraiment envie de s’échapper non plus.

     

    Il poussa un nouveau petit cri quand il tomba lourdement sur le matelas. Il tenta en riant de s’échapper, mais Erwan fut plus rapide. Il le coinça en s’installant à califourchon sur lui. Il lui tenait également les poignets de chaque côté du visage. 

     

    Il bloqua son regard bleu dans celui mordoré de son ange. Luce n’arriverait jamais à se lasser de cette couleur. Il resta captif. Erwan posa finalement ses lèvres sur celle pulpeuse de son ange. Luce gémit. Dès que ses poignets furent libérés, il entoura le cou d’Erwan pour approfondir le baiser. Il se laissa, ensuite, dévorer tout en râlant pour la forme. Et comme Erwan l’avait précisé, il l’empêcha de dormir. Il le laissa enfin se reposer seulement aux aurores. 

     


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  • Chapitre 1

     

    La rage avait atteint un point de non-retour. Il ne supportait plus les exigences de son éditeur. Il n’était pas une poule pondeuse. Il avait toujours écrit selon ses envies sans contrainte, avec passion. 

     

    Deux ans auparavant, la maison d’édition dont Luce Oda envoyait ses manuscrits sous le pseudonyme de Saphir Yellow avait changé de Direction. Et depuis, les dirigeants lui cherchaient des noises. Son contrat stipulait qu’il avait toujours le droit de regard sur son œuvre, que l’entreprise n’avait aucunement le droit de changer quoi que ce soit sans son avis. 

     

           Dans les faits, la maison d’édition ne servait qu’à vendre son produit. Il avait réussi à garder sa totale liberté grâce à Juntsou Fumiya, le compagnon de Daisuke Oda, un cousin de son père. Mais, cette nouvelle direction cherchait à lui voler cette liberté par tous les moyens, comme elle le faisait avec les autres auteurs. 

     

           Aujourd’hui, elle avait gagné une chose. Luce venait de rompre leur contrat avec perte et fracas. Elle avait cru pouvoir lui faire des misères, mais mal lui en a pris. Elle avait oublié une chose importante. Luce Oda était le compagnon de vie d’un homme dont l’influence ne touchait pas que ses sociétés. Si l’envie d’Erwan Miori était de ruiner une petite maison d’édition, il y arriverait sans faire trop d’effort.

     

           Les avocats de la Miori Corporation firent un excellent travail. Luce put rompre son contrat sans problème. Pour le moment, il auto publierait ses livres s’il le fallait. Ce n’est pas cela qui le rebouterait. Il savait qu’il aurait de l’aide avec son immense famille. Et puis, ces livres se vendaient toujours comme de petits pains grâce à ses innombrables fans. Parfois, il se demandait si les gens les achetaient pour les histoires ou pour les dessins. 

     

           Depuis le début de son aventure dans l’écriture, son père Carlin lui faisait les dessins. Carlin était considéré comme un génie de la peinture. Il pouvait dessiner tout ce qu’il lui passait en tête ou une image qu’il avait à peine vue. Souvent les peintures reflétaient des émotions ou des sensations tellement fortes qu’elle mettait mal à l’aise ou rendait heureux juste en les observant. 

     

           Arrivée sur la place de parking où sa voiture l’attendait, Luce prit le temps de remercier encore une fois les deux hommes habillés en costume noir pour leur aide précieuse. Les deux avocats répliquèrent juste que c’était leur travail et ils aimaient le faire sérieusement et efficacement. 

     

           Luce les observa partir pendant un long moment puis il se souvient du message reçu peu avant son départ de la maison. Il fronça les sourcils un instant. Devait-il se rendre sur le lieu indiqué ? N’était-ce pas dangereux ? Il devrait pourtant avoir peur et aurait dû le signaler à la police. Mais pour une raison inconnue, il ne voulait pas mêler la police avec cette personne. 

     

           D’un : la connaissant assez, elle serait capable de s’échapper sans aucun problème. De deux : ce serait mettre des vies humaines en danger. Elle lui avait promis qu’il ne risquait rien. Pourquoi la croyait-il ? Elle avait pourtant déjà tenté de le tuer, dix-huit ans auparavant. 

     

           Luce se passa une main dans ses cheveux noirs. Il se décida enfin à bouger. Il laissa sa voiture à sa place et il se dirigea vers la route. Après avoir regardé autour de lui, il traversa pour pénétrer dans l’immeuble en face du parking. Était-ce une coïncidence que le lieu du rendez-vous se trouvait précisément près d’un lieu où il devait se rendre ? Luce ne le croyait pas surtout avec cette femme. 

     

           Le bâtiment était un vieil immeuble un peu délabré. Il était prévu d’être démoli dans l’année qui suit. Les habitants de l’immeuble attendaient gentiment leur nouveau logement en construction un peu plus loin. Ils n’avaient aucune crainte d’être jetés à la rue. 

     

           Luce grimpa les deux étages et stoppa devant la porte face aux escaliers. Après une hésitation, il frappa. Il entendit une voix féminine un peu grave lui ordonnant d’entrer. Il obéit. Il plissa les yeux face à la luminosité de la pièce. 

     

           Il jeta un regard autour de lui. Les murs avaient vu de jours meilleurs. La tapisserie tombait en lambeau. Une immense fenêtre éclairait toute la pièce, mais elle mériterait un bon lavage. Les rideaux sales tenaient par miracle. Quant à la décoration, elle laissait tout autant à désirer avec dans un coin un canapé troué, une table, dont un pied manqué et un téléviseur couvert de poussière. 

     

           Luce remarqua tout de même une sorte de panière sur le canapé. Il se demandait ce que cela pouvait être, car il voyait bouger, mais la luminosité était trop forte pour voir correctement. 

     

           Un mouvement sur sa gauche lui fit tourner son visage vers l’endroit. Une silhouette mince apparut sur son champ de vision. Son corps se raidit. Il sentait le danger. Cette silhouette appartenait à Saphira Folker, une psychopathe connue des services de police à travers le monde. Elle était aussi son bourreau.

     

           La femme se rapprocha afin d’être plus visible. Elle avait une taille moyenne, mince et une chevelure blonde attachée en queue de cheval. Elle portait un pantalon treillis avec des bottes en cuir et un tee-shirt à bretelle montrant ainsi sa fine musculation. En calculant un peu, elle devait avoir dans les quarante-cinq ans. Elle ne les paraissait pas le moins du monde et sa dangerosité était belle et bien présente tout comme sa beauté. Dire que cette femme était née homme. Personne ne le croirait en la croisant. 

     

           — Bonjour, Luce. Je vois que tu te portes comme un charme.

     

           Le jeune homme tressaillit en entendant la voix. Il ferma son poing pour l’empêcher de trembler. Saphira ne se gêna pas pour observer de la tête aux pieds son ancienne victime. Quand il avait seize ans, il ressemblait déjà à un ange, maintenant à plus de trente-quatre ans, il le paraissait toujours. Elle eut un sourire. 

     

           — Tu es toujours mon écrivain préféré. J’ai lu tous tes livres. J’espère que malgré ta mésaventure avec ta maison d’édition, tu ne vas pas t’arrêter.

     

           — Ravi si mes lectures te plaisent. Pourtant, tu as bien failli écourter ma carrière. 

     

           — Oui, n’est-ce pas ? Je pourrais te dire que je le regrette, mais tu ne me croirais surement pas. Ce n’est pas bien grave de toute façon. Je n’ai aucune excuse pour tout le mal que j’ai causé. 

     

           Luce ne la quittait pas du regard tout comme elle. Ils se défiaient pour savoir lequel céderait en premier. 

     

           — Tu es toujours recherché, Saphira. Pourquoi avoir pris le risque de revenir dans le coin ? Et surtout d’avoir pris contact avec moi ?

     

           Saphira détourna le regard en premier. Elle se dirigea vers la fenêtre. Elle jeta un coup d’œil rapide sur la route. Elle ne craignait rien, mais elle avait pris l’habitude. Elle soupira. D’un geste, elle montra le canapé où se trouvait la panière. 

     

           Intriguée, Luce se dirigea vers l’endroit indiqué. Il eut un sursaut en apercevant deux bambins endormis. Quels âges devaient-ils avoir ? Il jeta un coup d’œil vers la femme. Elle regardait toujours à l’extérieur. Luce plissa des yeux. 

     

           — Attends-tu quelqu’un d’autre, Saphira ? 

     

           Elle se retourna d’un coup vers lui avec un sourire en coin. Mais avant qu’elle puisse répondre, la porte de l’appartement s’ouvrit en laissant passer trois personnes. En croisant le regard d’un bleu saphir, Luce grimaça. Il en entendrait parler de son imprudence pendant longtemps. Luce jeta un coup d’œil surpris sur les deux autres personnes. Il fut surpris d’y voir ses pères. 

     

           Erwan, toujours en silence, se dirigea vers son homme. Il avait envie de lui remettre le cerveau en place pour avoir obéi à cette meurtrière. Mais, les mots s’échappèrent en apercevant les deux enfants endormis. 

     

           — Qu’elle est cette mascarade, Folker ? demanda Carlin, d’un ton sec.

     

           Malgré son âge, Carlin gardait toujours sa prestance et surtout son aura perturbait toujours autant. Saphira croisa les bras avec un léger sourire. Elle finit par prendre la parole. 

     

           — Je vois que vous avez tenu parole et en plus félicitation, pour votre ponctualité.

     

           — Et si vous arrêtiez de jouer. Pourquoi nous avoir fait venir ? ordonna Erwan. 

     

           — Miori, je ne suis pas un de vos subordonnés alors veuillez me parler sur un autre ton. 

     

           Erwan grinça des dents. Luce lui toucha l’épaule pour le calmer. Saphira jeta un dernier coup d’œil dehors. Midi approchait à grands pas. Elle soupira un bon coup et expliqua :

     

           — Je vous ai réuni à cause d’eux. 

     

           Tous les regards se portèrent alors vers les deux bambins. Renko et Carlin se rapprochèrent également pour les observer. Les deux enfants ne devaient pas être frère. L’un était brun aux yeux gris nuageux alors que le deuxième était plus typé avec ses yeux bridés aux yeux sombres et ses cheveux noirs et une peau très blanche. 

     

           Carlin se troubla en observant celui-ci. Il avait l’impression de se voir bébé. Sa mère l’avait tellement immortalisé. Il en avait gardé l’album et il s’amusait de temps à autre à le regarder surtout quand sa mère lui manquait. 

     

           L’un d’eux remua et la couverture descendit. Ils purent ainsi voir leurs petites mains. Les deux bambins se tenaient la main. Luce fut attendrie, mais son regard se durcit en apercevant la cicatrice sur le bras du petit brun. Il agrippa le bras de son homme.

     

           — Qui sont-ils ? demanda Erwan, d’un ton moins sec.

     

           — Des expériences. 

     

           — Quoi ? s’exclamèrent d’une même voix les quatre hommes. 

     

           Le ton surprit les enfants. Celui à la chevelure noire se mit à râler. Carlin, malgré son malaise, s’approcha aussitôt d’eux. Il se laissa tomber sur le canapé et posa directement une main sur le crâne de l’enfant. Celui-ci leva ses yeux sombres. Il se mit à sourire montrant ses petites quenottes avant de se redresser du mieux qu’il put sans lâcher la main de son camarade. Le petit brun se redressa aussi. Carlin les aida à les maintenir afin d’éviter qu’ils chavirent. 

     

           Le brun regardait autour de lui. Il n’était nullement effrayé par les inconnus. Il aperçut alors la blonde. Il sourit. Il lui fit un coucou de la main. Luce en fut stupéfaite. Les enfants ne semblaient pas se rendre compte de l’aura mauvaise de Saphira.

     

           Celle-ci secoua la tête. Elle n’avait jamais été tendre avec eux. Elles les avaient même un peu brusqués, non pas par plaisir, mais à cause des conditions. La fuite n’avait pas été facile. Pourtant aucun d’eux n’avait peur d’elle. Ils lui réclamaient des câlins et si elle refusait, ils ne s’en offusquaient pas. 

     

           — Ne soyez pas si surpris. Ces enfants sont le fruit d’un détraqué voulant créer des soldats intelligents. Il y avait tout un labo avec d’autres gosses comme eux. La plupart sont morts ou à moitié en vie.

     

           Un frisson d’horreur traversa le corps de Luce. Il n’osait pas imaginer. Il ferma un instant les yeux. Puis, il se pencha pour attraper le petit brun. Celui-ci ne disait rien. Il observait juste cette nouvelle personne. Puis, il posa sa petite main sur la joue comme une caresse. 

     

           — Naël ressent les émotions. Il sent facilement quand une personne est triste ou en colère, mais aussi si celle-ci est heureuse.

     

           — Bonjour Naël, murmura Luce au petit. 

     

           L’enfant pencha la tête et sourit montrant également ses quenottes. Erwan observa longuement son homme avec l’enfant. Le petit brun l’intriguait. Il avait vu la marque sur le bras droit, mais c’était surtout la marque de naissance sur la main qui l’intriguait. Son père Youji avait la même sur son épaule gauche. Sa sœur Maddy l’avait également sur sa hanche gauche et sa tante Lina lui avait dit l’avoir sur sa fesse gauche. C’était trop étrange pour une coïncidence. 

     

           — Vous dites que ce sont des expériences, mais comment ? demanda Renko en se tournant vers Saphira. 

     

           — Cet enfoiré a volé de l’ADN et du sperme sur plusieurs personnes à travers le monde. Cela fait déjà des années qu’il a commencé ces expériences. Mais il a toujours raté jusqu’à maintenant. Les enfants ne survivaient pas à toutes les tortures que cet homme leur faisait subir depuis leur naissance. Il enlève de jeunes orphelines oubliées du monde et les engrosse par fécondation in vitro. Après l’accouchement soit il se débarrasse des filles, soit il les engrosse à nouveau soit il les donne en pâture à ses hommes de main.

     

           — Mon Dieu ! Pauvres enfants… s’indigna Carlin. 

     

           — Pour avoir leur docilité, il les drogue. Et je vous préviens la drogue rouge du dragon n’a pas totalement disparu. Tant que cet homme sera en vie, elle risque de revenir. 

     

           — Merde ! N’en finira-t-on jamais avec elle ? S’emporta Luce. 

     

           Naël posa à nouveau sa main sur sa joue. Luce se calma aussitôt. 

     

           — Bien, maintenant on en sait un peu plus, mais cela ne nous dit pas ce que tu veux de nous. 

     

           — Et on dit que tu es très intelligent Miori, taquina Saphira. 

     

           Elle le vit grincer des dents et le regard bleu se durcir. 

     

           — Il leur faut des parents dignes de ce nom pour les élever. J’ai pensé à vous. 

     

           — C’est gentil Saphira de penser que nous serons de bons parents pour ces petits, mais je suppose qu’il y a une autre raison à cela. 

     

           Saphira récupéra des documents sur la table bancale et les tendit. Renko les prit et lut. Il leva les yeux vers la femme. Elle prit aussitôt la parole. 

     

           — Les papiers sont authentiques. J’ai déclaré ces gosses comme ceux de Luce Oda. 

     

           — Hein ? s’exclama de stupeur Luce.

     

           Erwan attrapa de justesse le petit Naël. Luce s’en voulut. Il se mordit la lèvre de sa maladresse. 

     

           — C’est quoi cette connerie, Folker ? s’enquit Erwan, d’un ton impératif.

     

           — Je devais les protéger. Et puis, il y a également une chose importante que vous devez savoir sur ces deux enfants. Ils ont un lien direct avec vous. 

     

           — Pardon ? 

     

           Carlin se redressa en tenant le deuxième enfant. Il s’approcha de son homme. Renko ressentait le malaise de Carlin. Celui-ci fixait Saphira sans cligner des yeux comme il le faisait souvent. Même si Saphira connaissait cette manie, elle se sentait mal à l’aise. Elle se troubla. Carlin lâcha :

     

           — Ce petit est mon fils, pas vraie Saphira. 

     

           Les trois autres présents se tournèrent d’un même mouvement vers celui qui parlait. Que venait-il de dire ? 

     

           — Je me disais bien que vous le remarqueriez. Oui, votre ADN a été volé il y a quelque temps. Il a été utilisé plusieurs fois ainsi que celui d’autres hommes importants dans ce bas monde. 

     

           Carlin se troubla en entendant la réponse. Il ferma les yeux un instant. 

     

           — Pourquoi le mien ? Je ne suis pas quelqu’un d’aussi important. Je suis juste un peintre. 

     

           — Alors là vous me posez une colle. Je n’en ai pas la moindre idée. Mais après, vous êtes connu pour être un génie de la peinture et votre père avait une réputation d’enfoiré. 

     

           — Et pour l’autre petit ? 

     

           Saphira jeta un œil vers Naël se trouvant maintenant dans les bras d’Erwan Miori. Elle avoua :

     

           — D’après ce que j’ai pu trouver, le père est August Miori. 

     

           Erwan se redressa d’un coup. C’était impossible. Son grand-père était décédé depuis plusieurs années. Comment aurait-il pu avoir son ADN ?

     

           — Ne me regardez pas ainsi, Miori. Je n’en sais pas plus. Je sais juste qui sont les pères biologiques de ces enfants. Et pour les avoir, j’ai risqué ma vie. Là, seule chose que je voulais, étaient récupérées les gamines que ce monstre avait enlevées. Elles n’ont pas voulu partir sans eux. Maintenant, elles ne sont plus là. Alors, je vous en prie, prenez soin d’eux. Je ne peux pas le faire et vous savez très bien pourquoi.

     

           — Carlin ? murmura Renko en posant une main sur l’épaule de l’homme. 

     

           — Je vais bien, Ren. Je suis juste un peu sonné par la nouvelle. 

     

           Il se tourna vers son fils. Il le voyait troubler, mais il tenait la petite main de Naël entre les siennes. 

     

           — Et bien, mon fils te voilà avec deux garçons à élever.

     

           — Hein ? Pourquoi moi ? Papa, j’en serais bien incapable. J’ai déjà du mal avec moi-même. 

     

           — Ne sois pas stupide ! Tu ne seras pas seul. Nous sommes là et puis Erwan a l’air d’avoir été adopté. 

     

           L’homme en question grimaça, mais son beau-père avait bel et bien raison. Il se sentait attendri face à cette bouille d’ange. D’un seul coup, le petit dans les bras de Carlin remua et se mit à baragouiner sérieusement. Renko, attendri, lui caressa la joue. Il finit par dire. 

     

           — Et comment se nomme ce petit diablotin ?

     

           — Michio. Et si un jour, vous voulez lui donner le nom de sa mère, c’était Samira, une petite peste à l’allure de petite fée. Pour Naël, elle s’appelait Hannah, une vraie petite rebelle à la voix envoutante.

     

           — Je retiens. Je ferais en sorte qu’ils le sachent un jour afin qu’ils ne les oublient pas. As-tu des photos d’elles ? 

     

           — Pas sur moi. Mais, je vous en enverrais en temps et en heures si je suis toujours en vie. Je vais partir en premier si cela ne vous dérange pas. 

     

           Saphira Folker jeta un dernier regard aux quatre hommes et aux deux bambins. Elle avait fait le bon choix. Elle ne pouvait pas accéder à la demande de Samira.

     


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